Dans Yannick, qui marque le retour de Quentin Dupieux avec le premier de ses habituels courts-métrages déjantés dont il nous régale chaque année, un jeune veilleur de nuit s'ennuie en assistant à une pièce de théâtre et, au lieu d'attendre sagement ou de quitter la salle, décide d'intervenir et d'avoir son mot à dire. Son arme de service à la main, le jeune homme décide d'agir pour que sa première soirée de congé tant attendue ne se transforme pas en une occasion d'ennui comme la pièce, selon lui, en provoquait. La perturbation tonitruante et presque grotesque du fou incite ce dernier à faire tout son possible pour écrire, à la vitesse de l'éclair, une pièce alternative qui sera jouée par les trois acteurs stupéfaits et déconcertés qui, peu après un début de frustration compréhensible, se rendent à l'évidence (ainsi qu'à la menace armée peu crédible, mais évidente) et obéissent à leurs nouveaux ordres.

Avec Dupieux, nous nous retrouvons protagonistes, en tant que spectateurs très proches de ceux du film, d'un étrange enlèvement dans lequel les règles jusqu'alors incontournables, qui établissent une séparation tranchée entre l'acteur et le spectateur, sont complètement remises en question. Le résultat, une fois de plus, est un film bizarre, amusant, parfois même dérangeant, avec une troupe d'acteurs impliqués et très amusés, contribuant à rendre le climat de menace et de contrainte impliquant le public du théâtre à la fois convaincant et sarcastiquement léger, au milieu des symptômes du syndrome de Stockholm qui explosent en enthousiasme injustifié, ou parfois dans un calme apparent qui n'est que le sentiment qui cache, tant bien que mal, une panique généralisée prête à exploser à tout moment. Parmi les trois premiers acteurs impliqués, on remarque le protagoniste principal, Yannick, interprété avec une verve sardonique par le très talentueux Raphaël Quenard (déjà apprécié chez Dupieux dans Mandibules et dans Fumer fait tousser). Il est brillamment secondé par la bravoure de Pio Marmai, dans le rôle du matador de la pièce ennuyeuse de Yannick, et par la toujours hilarante Blanche Gardin, autre présence fixe indispensable dans la filmographie de Dupieux et l'une des plus brillantes actrices françaises contemporaines sur le marché.