"Ici, chez nous, ce sont les prisonniers qui surveillent les gardiens". Une femme au regard mélancolique, nommée Melissa, s'installe, à 32 ans, en Corse, acceptant le poste de surveillante pénitentiaire expérimentée, après de nombreuses années d'expérience dans d'autres établissements pénitentiaires français. Elle emmène avec elle un mari qui, au chômage, a du mal à s'intégrer dans une société toujours un peu méfiante et fermée, et ses deux jeunes enfants. Le projet de vie prévoit un grand changement pour cette famille, mais tout semble reposer sur les épaules de cette jeune femme menue mais fragile en apparence. Dans une Corse loin des rituels, des clichés touristiques, au contraire lugubre, hostile et tout sauf suggestive, où les habitants ont tendance à isoler les nouveaux venus et les détenus à être les premiers à connaître les nouveautés et les malaises créés dans ce malaise quotidien, un double meurtre de sang-froid engage la police à trouver des traces qui vont bien au-delà de la vérité des faits, mettant en lumière des comportements très éloignés de toute étiquette professionnelle, mais marqués par une conception de l'humanité et de l'altruisme qui ne correspond guère aux règles strictes en vigueur dans l'établissement pénitentiaire concerné.

Le soi-disant baiser de la mort est une pratique mafieuse qui consiste à désigner une personne que les meurtriers doivent tuer et qui se fait en embrassant la victime sur les joues ou les lèvres. Cathy Sénéchal est devenue fascinée par le monde violent de la Corse lorsqu'elle travaillait sur le continent. Elle réussit à être affectée à Borgo, sur l'île, et là elle approfondit sa relation avec le gang "Brise de mer". Son voyage dans le monde de la violence s'est produit à cause de l'ennui causé par une vie avec un mari dépressif et cinq enfants . Le film Borgo est un long métrage inspiré de son histoire. Visage douloureux, beauté qui semble laissée à la spontanéité la plus naturelle et la plus sincère, Hafsia Herzi, l'actrice fétiche d'Abdellatif Kechiche depuis l'inoubliable Cous Cous, est une fois de plus au centre d'un beau film qui se présente comme un thriller mature mais qui tourne vite au drame d'existences inextricablement liées à la connivence typique d'une île qui crée des barrières souvent insurmontables au-delà de la mer qui la sépare, et à l'activité malsaine qui régit inextricablement la vie de prisonniers auxquels rien n'échappe souvent, et qui peuvent influencer beaucoup même derrière une vie formellement entre les barreaux. Stéphane Demoustier dirige bien un polar tendu et complexe qui préfère l'étude intérieure des personnages à l'action pour elle-même, et étudie les comportements et les soupçons qu'un désir d'humanité peut engendrer contre le protagoniste naïf d'une enquête qui se trouve contrainte à l'impasse.