Juliette, fille d'un vétéran de la Grande Guerre et orpheline de mère, vit seule dans le Nord de la France avec son père, Raphaël. Passionnée de musique et de chant, la jeune fille - très solitaire - rencontre un été un magicien qui lui fait une prophétie : un jour, des voiles écarlates l'emmèneront loin du village. Dès lors, Juliette ne cessera de croire que la prophétie se réalisera un jour.

Les mains fortes qui savent créer, et les mains sensibles qui savent transformer les instruments créés en objets pour communiquer et diffuser l'art, sous la forme d'une musique douce. Cette "liaison" unit un père aux talents créatifs exceptionnels et une fille, séparés par une guerre atroce et un crime commis sur la femme et la mère des deux. Mais Raphaël, l'habile charpentier infirme, décide d'élever cette fille qui n'est probablement pas la sienne et qui s'appelle Juliette, en la partageant avec la bonne femme qui a accueilli sa femme à la maison. Et la fille de ces parents animaux naît sereine et saine, cultivant l'art de la musique et rencontrant celui qui lui révélera la prophétie des voiles écarlates, qui fera comprendre à la jeune fille que le moment est venu de quitter le petit village du nord de la France où le destin l'a placée. Quelle délicatesse de mise en scène ! Quelle sensibilité pour ciseler des personnages conditionnés par le destin et la fatalité, souvent adverses ou autrement compliqués ! Pietro Marcello filme avec le classicisme d'un auteur mûr et la subtilité de celui qui vit en appréciant les petits gestes d'un monde qui s'accommode de nous et nous supporte souvent dans la petitesse et la mesquinerie qui caractérisent l'espèce humaine, laissant aussi des traces indélébiles qui sont loin d'être édifiantes. L'affrontement entre la bonté et la perfidie dessine la dynamique historique de l'empreinte humaine sur la Terre, mais Marcello, qui a basé son film sur une coproduction franco-italienne, sur le roman d'Aleksandr Grin Le vele scarlatte (Les voiles écarlates), s'attarde sur le pouvoir magique de ceux qui savent saisir les secrets d'une mère nature prophétique, opérant également la magie de donner à son film cette touche magique qui l'élève au rang de film splendide et émouvant.  Marcello dirige avec une habileté éprouvée une distribution entièrement francophone qui s'enorgueillit de deux nouveaux venus extraordinaires dans le rôle du bourru au cœur et aux mains d'or Raphaël, rendu à la perfection par les traits disgracieux de Raphaël Thiéry, tandis que sa fille adulte est rendue Angélique par la belle présence de la douce Juliette Juan. Deux grandes femmes, Noémie Lvovsky et Yolande Moreau, ainsi qu'un caméo important de Louis Garrel, complètent cette belle distribution.