Réalisé par Quentin Dupieux.
Magalie est née avec une insensibilité congénitale à la douleur. À quatorze ans, jalouse de la douleur que ressentent les autres, elle se filme pour la première fois avec son téléphone portable en branchant les câbles de la batterie de la voiture de son père à ses dents, mais elle est incapable de se chatouiller. Son père, après l'avoir grondée, envoie la vidéo à ses amis, juste pour leur montrer à quel point il est farceur. La vidéo devient rapidement virale et elle réalise que cette étrange condition, plus qu'un problème, peut devenir un talent, une source de revenus. Née en 1989, le jour même de la naissance d'Internet, elle a fait fortune sur la toile : elle s'est inscrite sur tous les réseaux sociaux possibles et a commencé à publier des vidéos d'elle-même s'infligeant toutes sortes de tortures, d'un simple coup de marteau sur la main, à la perforation avec un poinçon, imaginant ensuite des tortures toujours plus extrêmes.
Un piano est suspendu à une corde… Il oscille légèrement, suspendu dans les airs, avant de tomber soudainement. Impossible de comprendre ce qu’il fait là, ni pourquoi. Peu après, une voiture arrive, transportant une jeune femme au bras plâtré, visiblement bouleversée et agitée. Pas du tout, vous pourriez le comprendre immédiatement, mais vous y parviendrez grâce à cette histoire rocambolesque qui ramène à la réalisation le prolifique, bizarre et souvent irrésistible réalisateur français Quentin Dupieux. Il met en vedette sa très appréciée Adèle Exarchopoulos , déjà irrésistible à la fois dans Mandibules (2020), (dans lequel elle jouait un personnage très similaire à celui-ci), et dans Fumer fait tousser (2022), dans le rôle d'une blogueuse très populaire aux manières brusques et à la voix rauque, légèrement déformée par l'appareil dentaire qu'elle endure stoïquement, qui a réussi à devenir très célèbre grâce au fait qu'elle a, comme caractéristique somatique présente depuis sa naissance, celle de ne ressentir aucune douleur dans aucune situation. Cette dernière circonstance permet à la jeune fille d'être filmée en s'exposant à des situations dangereuses dans lesquelles elle est la protagoniste d'événements où, même si elle se blesse, elle ne ressent pas la douleur. Les vidéos devenues virales sur les réseaux sociaux l'ont rendue riche et célèbre, mais aussi instable, lunatique et capricieuse, au point de mettre sérieusement à l'épreuve la patience et la persévérance du manager qui l'accompagne dans un refuge secret en montagne après le crash de l'avion susmentionné. Cette fois, sans abandonner son style narratif sarcastique, mordant, irrévérencieux et léger, Quentin Dupieux s'en prend au monde déformé et pervers des réseaux sociaux, qui pousse ceux qui gagnent leur vie, voire leur fortune, à rechercher le consensus le plus unanime possible, au point de perdre tout sens des limites et de la raison. Ce sont là les aberrations irrésistibles qui jalonnent le parcours délirant de la blogueuse folle, jonglant entre un manager accommodant épuisé d'être à son service ( Jérôme Commandeur ), une journaliste indépendante en quête de rédemption (une fantastique Sandrine Kiberlain ) et deux suiveurs grossiers (dont l'un est Karim Leklou ) qui ne reculent devant aucune circonstance bizarre impliquant leur héroïne bizarre. En prêtant une grande attention aux mots utilisés par la protagoniste, qui dans ses diatribes (avant de céder et de se traiter elle-même de « pire merde ») finit par se dire artiste, mais ne fait rien d'autre que de se déchirer le corps morceau par morceau, monétisant sa propre déchéance progressive, Quentin Duplieux est soutenu par la remarquable performance d'Adèle Exarchopoulos, incisive et physiologiquement excessive, pour ridiculiser, sous la forme d'une comédie très noire, le vide cosmique autour duquel naissent et meurent aujourd'hui les influenceurs, y compris la claque décérébrée, payante et surtout volatile.
VERDICT
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Comme d'habitude, le film ne vise pas à dénoncer formellement ces tendances sociales répandues, mais plutôt à observer leurs caractéristiques, en les poussant à l'extrême pour réfuter la toxicité omniprésente de la vie sociale de moins en moins civilisée d'aujourd'hui.