Le photographe Avery Crounse n'a réalisé que trois films, dont "Les Yeux de Feu" (Eyes of Fire) a été le premier, egalement connu sous le nom de "Cry Blue Sky", un film hybride étrange de western et d'horreur folklorique, largement ignoré lors de sa sortie au cinéma au début des années 1980, mais qui a acquis une sorte de culte grâce à des vidéos désormais difficiles à trouver. Il est peut-être un peu brut sur les bords, mais il regorge d'idées folles, de belles images obsédantes et d'un sens du lieu bien développé. Il ne serait pas surprenant d'apprendre que les réalisateurs de The Blair Witch Project (1999) et de The Witch : A New England Folktale (2015) l'avaient vu, car il y a de nombreux points où les trois films se croisent. L'histoire se déroule sur la « frontière américaine » en 1750. Elle est racontée en flashback par les enfants qui ont survécu à l'étrange histoire d'un groupe de colons bloqués dans une vallée hantée. Le prédicateur adultère Will Smythe (Dennis Lipscomb) est chassé de la ville avec un petit groupe de ses disciples, parmi lesquels l'adolescente traumatisée Leah (Karlene Crockett) qui a des pouvoirs psychiques et de multiples problèmes psychologiques après avoir vu sa mère enlevée de leur maison et brûlée comme sorcière. Le groupe – rejoint plus tard par le trappeur Marion Dalton (Guy Boyd), mari de la femme avec laquelle Smythe s'est mis en couple – échappe de justesse au massacre des guerriers Shawnee et se réfugie dans une vallée reculée, apparemment taboue pour les Shawnee. Il ne leur faut pas longtemps avant de découvrir pourquoi les Shawnee ne veulent pas mettre les pieds dans cet endroit alors qu'ils sont en proie à des visions mystérieuses et traqués par des esprits maléfiques qui prennent de nombreuses formes, y compris celle d'une jeune orpheline Shawnee que le groupe a hébergée.

Eyes of Fire est un film lent à mettre en place, la première moitié prenant son temps pour établir les relations complexes entre les différents personnages et établir le sentiment du lieu, évoquant un réel sentiment d'isolement des colons avant même qu'ils ne soient chassés de leur minuscule colonie isolée. Beaucoup des acteurs ne sont pas tout à fait à la hauteur de l'ambition du scénario de Crounse et les performances vont du très bon (Boyd et surtout Crockett) au fadement utile (la majeure partie du casting) jusqu'au carrément horrible (Lipscomb joue les prédicateurs comme un Jim Jones de plus en plus fou et déploie un très mauvais accent anglais pour l'occasion). La deuxième partie, après que les colons ont trouvé et emménagé dans des cabanes abandonnées dans la vallée hantée, devient vraiment étrange. Des enfants explosent lorsqu'on leur tire dessus, des esprits peints en blanc rôdent dans les bois, des visages hideux poussent dans les arbres, un poltergeist attaque la cabane du pasteur et des guerriers couverts de boue assiègent la nouvelle colonie. Crounse exagère un peu les effets psychédéliques ici et là - principalement la solarisation ou les effets négatifs de couleur - mais l'accumulation constante d'étrangeté et la paranoïa croissante parmi les colons (« le mal n'est pas dehors, il est ici », note un personnage lorsque les choses deviennent particulièrement épineuses) sont pour la plupart d'une qualité déconcertante pour ce qui devait sûrement être un budget minuscule. Les visages dans les arbres en particulier sont fantastiquement effrayants. Le film exige certainement de la patience et une attention sans faille, ce qui est plus que récompensé par son atmosphère étrange et sa mythologie fascinante.