Le plaisir que l'on prend à visionner In Bed with Madonna (Madonna Truth or Dare en V.O.) dépendra de l'opinion que l'on a de la femme elle-même. Ce documentaire est un projet vaniteux, dans tous les sens du terme, destiné à ceux qui la voient comme une figure surnaturelle, quasi divine, et non comme un être humain. Ceux qui la critiquent comme fausse et inauthentique risquent de s'énerver. Il est difficile de contester l'idée que Madonna soit totalement fausse, car elle a toujours été honnête quant à son existence, en quelque sorte construite. Plutôt que de se faire passer pour une fille d'à côté qui ne se contente que d'afficher un comportement auto-glorifiant lors des concerts, elle était ouvertement arrogante et excentrique en public. Ce film présente Madonna sous le jour qu'elle aimerait voir, sans jamais prétendre vous montrer la « vraie » Madonna. La vraie Madonna, ordinaire, est une jeune fille du Michigan, et elle est probablement bien moins intéressante que la superstar ostentatoire et parfois insolente qu'elle incarnait en public.  In Bed with Madonna offre au spectateur un aperçu de la vie d'une femme qui fut l'une des personnalités les plus célèbres de 1991. On se croirait presque dans un film de propagande. On y découvre des extraits de ses performances scéniques, rappelant les soutiens-gorge coniques Jean-Paul Gaultier et la quasi-masturbation en public qui ont rendu ses spectacles si controversés. Madonna trouve le moyen de répondre à ses détracteurs en admettant ne pas être une chanteuse ou une danseuse particulièrement douée. Elle affirme ouvertement que son principal attrait réside dans sa capacité à créer la controverse, à réinventer son image et à repousser les limites. Cette conscience contribue à produire une étude de personnage divertissante. L'accent est davantage mis sur la personnalité que sur le talent de Madonna. On ne s'attarde pas beaucoup sur ses chorégraphies ou sur son art. Ses relations avec d'autres danseurs et ses interactions avec d'autres célébrités constituent le cœur du film.  Beaucoup ont vu la vidéo où Madonna feint de s'étouffer après avoir été confrontée aux éloges insuffisamment enthousiastes de Kevin Costner. Nous connaissons tous ses projets de séduction pour un Antonio Banderas marié, et nous sommes tous au courant des plaintes de Warren Beatty concernant leur union difficile. Tous ces moments sont fréquemment évoqués dans les conversations entre fans de Madonna, et il y a quelque chose de délicieux dans le fait qu'elle soit si ouvertement méchante dans tant de scènes. Au lieu de faire semblant d'être amie avec ses collègues célébrités, elle les considère comme des imbéciles. Sa dispute avec Beatty est particulièrement révélatrice. En essayant de se présenter comme la personne la moins obsédée par la célébrité dans leur relation, il révèle sa propre hypocrisie. Beatty s'est toujours considéré comme s'il était au-dessus de la célébrité et plutôt comme un artiste – quelqu'un prêt à prendre des risques et à jouer des rôles que ses pairs plus conventionnels n'envisageraient même pas. Cet air de supériorité m'a toujours énervé, car Beatty est clairement un narcissique soucieux de son image. Il joue très rarement des rôles qui ne lui permettent pas de se présenter comme un objet de désir féminin et un idéaliste héroïque. Il s'empresse de prétendre que Bulworth était choquante et osée, mais il adorerait aussi recevoir quelques récompenses de ses amis d'Hollywood. Contrairement à Beatty, Madonna ne fait pas semblant de ne pas jouer le jeu ou de ne pas maîtriser son image. À certains égards, elle est plus honnête que lui.

In Bed with Madonna aurait peut-être été encore plus captivant s'il avait mis en lumière sa carrière cinématographique naissante. Après avoir joué dans de nombreux échecs à la fin des années 1980, elle a rebondi au début des années 1990 avec des petits rôles dans Dick Tracy et Une équipe hors du commun . D'une certaine manière, sa carrière cinématographique est encore plus fascinante que sa carrière musicale. On peut supposer qu'elle a été trop marquée par les échecs pour être retenue comme sujet d'intérêt par Madonna, et le film est déjà assez long, mais il aurait pu constituer un dénouement amusant après toutes ces péripéties en coulisses. Au final, le film saura satisfaire son public cible, et c'est un atout. Ils peuvent écouter brièvement quelques-uns de ses plus grands succès et imaginer à quoi ressemblerait la vie si vous étiez l'artiste le plus populaire au monde. On comprend aisément pourquoi les célébrités peuvent être si froides et glaciales. Elles subissent une pression constante pour performer et doivent développer une certaine artificialité pour rester intéressantes aux yeux du public.  On sera naturellement tenté de se moquer de Madonna pour son égocentrisme, mais difficile d'imaginer meilleur documentaire sur le sujet. Un film qui critique Madonna pour tous ses défauts n'apporterait aucun éclairage nouveau sur son sujet. Les spectateurs connaissent déjà toutes ses manières d'être ignoble et méchante. On a envie de la voir se livrer à un de ses déchaînements égocentriques et d'entraîner avec elle des millions de fans. A noter que cette édition comprend en supplément un livret de 28 pages « En Attendant Madonna » écrit par Rania Griffete et Valérie Etter, un documentaire "Madonna à l’écran" par Samuel Blumenfeld qui relate l'accueille du film au festival de Cannes puis la carrière cinématographique de Madonna, un documentaire "35 ans après" par Olivier Cachin qui revient sur les anecdotes de tournage du film et sa composition, un documentaire "Retours à Cannes" par Michel Burstein où l'attaché de presse du film en 1991 raconte les événements survenus durant le Festival de Cannes et comment le documentaire a été vendu. Enfin, "In bed with Madonna selon Jérome Brucker" interroge le directeur artistique de Warner Chapell sur la partie promotionnelle du film avant de revenir sur la discographie de Madonna.