Quarante Cercueils Plate-forme : Bande Dessinée Date de sortie : 01 Mars 2019 Editeur : Développeur : Genre : Bande dessinée Multijoueur : Non Jouable via Internet : Non Test par Nic0078/10 Scénario : Rodolfo Santullo Le chapitre sept de Dracula (Bram Stoker, 1897) comprend un article de onze pages tiré du journal fictif The Dailygraph, qui décrit l'apparition sur la côte de Whitby d'un navire, le Demeter, après une violente tempête. Il n'y a absolument personne au bord du bateau transportant un certain nombre de grandes boîtes remplies de terre. Les autorités trouvent également un cadavre - celui du capitaine du navire - attaché au gouvernail, et un carnet de bord. Dans ses pages en russe, on parle d'un étranger découvert à bord, de morts successives, de terreur. C'est précisément l'histoire qui nous est contée dans Quarante Cercueils (40 cajones), un roman graphique signé par Rodolfo Santullo (scénario) et Jok (dessin). Peut-être pourrait-on penser à un nouveau genre, celui de "micro-adaptation", qui est travaillé à partir d'un chapitre ou d'une partie d'un travail spécifique. Ici, Santullo ne contribue guère à l'histoire imaginée par Stoker : il existe effectivement un personnage différent parmi les marins (le roumain Lepes - et ce nom de famille est un clin d'œil évident à un certain empaleur), il y a une scène supplémentaire dans laquelle on voit l'équipage lutter contre un détachement de l'armée Turque et, en outre, un petit complot qui encadre le récit, mais de manière général, Santullo reste extrêmement fidèle à ce que propose l'auteur Irlandais. Le défi au moment de la rédaction du présent ouvrage n'est donc pas négligeable. L'histoire peut sembler simple à raconter, mais le problème évident est que nous savons tous - plus ou moins - comment elle se termine (le navire arrive vide sur la côte, tout le monde meurt) et donc les conséquences de l'arrivée du navire sont encore plus graves (le comte arrive à Londres), plus complexes et, a priori, plus intéressantes que la simple traversée en mer. Il fallait donc créer une histoire accrocheuse qui se suffirait à elle-même, et Santullo y parvient parfaitement. Pour ce faire, il utilise plusieurs procédures discernables, l'une d'entre elles - la principale peut-être - est d'incorporer une dimension supplémentaire de mystère : il est vrai que nous savons comment tout finit, mais pas comment nous atteignons ce but; le personnage supplémentaire précisément (ou les réactions du lecteur à sa présence, ses actions et ses paroles) est un axe de cette restructuration de l'histoire. On nous dit qu'il est roumain, et on sait que Dracula est aussi roumain ; il est taciturne, peut-être même étrange, et semble doté d'une force surhumaine (cela se voit dans une autre des scènes additionnelles, celle de la lutte contre les Turcs) : tout nous pousse à être méfiant. C'est peut-être le passager mystérieux que certains voient marcher sur le pont ; son refus constant de considérer les récits des marins comme des "superstitions" ou des absurdités semble aussi soutenir l'idée que Lepes veut que certaines choses ne soient pas dites, un geste qui, évidemment, active la paranoïa du lecteur. Pour élargir son histoire, Santullo fait référence plusieurs fois à Dracula, au roman complet pour ainsi dire. Le geste implique que d'une certaine manière, cette bande dessinée regroupe des passages importants de l'œuvre, notamment les sœurs ou mariées de Dracula, un mystérieux conducteur de diligence, ou encore une approche du château du comte dans une séquence onirique. Le dessin de Jok est magnifique et apporte un sens du drame et du mouvement qui devient une autre des forces du livre. La couleur, en outre, délicate, presque pâle et fantomatique, avec une palette choisie avec soin, est idéale pour ce livre. Et les vignettes dans lesquelles le comte apparaît (particulièrement à la page 41, mais aussi dans les 39 et 47) sont vraiment effrayantes. VERDICT-Quarante Cercueils est une très bonne surprise. Un travail solide et respectueux de l'œuvre originel, dans lequel les obstacles posés par la nature du projet sont facilement surmontés. Une lecture très agréable. |