Alors bien sur il y a notre héritage. Culturel. Religieux. Politique. Economique. Tout ce que l’on n’a pas eu l’impression de construire et qui s’est immiscé au fond de nous. Parfois c’est dans tout ce qu’on déteste que l’on forge nos convictions les plus fortes. Comment se construisent nos expertises, nos certitudes, nos méthodes ? Quels sont les parcours de vie de nos grands penseurs et ce qu’il a convenu de taire pour ne pas abîmer leurs positions ? Dans « Bourdieu, une enquête algérienne », Pascal Genot tente de répondre un peu à tout ça. Partant du constat que Pierre Bourdieu à puisé son goût de la Sociologie dans ses années Algérienne tout en étant bien silencieux sur ces années là, il nous emmène dans les tréfonds de l’administration de guerre à la recherche des traces du sociologue. Il y trouvera le tiraillement d’un homme censé appuyer la propagande Française tout en étant relativement proche des idées indépendantistes. Un grand écart donc. Il y trouvera surtout le parcours de celui qui s’est penché sur la population, ses hommes et les impacts des politiques (colonialistes notamment).

Des informations biographiques à la vulgarisation des principaux concepts ( notamment « l’habitus »), il accompagne le lecteur, sans préjuger de ses connaissances et est accompagné par les planches tout au crayon d'Olivier Thomas . C’est sublime de détails dans les lieux, les vues algériennes, les personnes croisées qui nous immergent des ces ambiances entre Paris et la Kabylie. C’est un plaisir multiple. D’abord parce qu’il rend un bel hommage à l’un des plus grands penseurs du XXe siècle. Ensuite parce qu’on est pris dans le chemin de pensée résolument humaniste et tout en recherche d’objectivité. C’est difficile de le rester lorsqu’on a au fond de nous nos valeurs qui prennent le dessus. Mais la connaissance restera toujours le meilleur moyen de se dépasser, de casser l’héritage et d’imaginer des solutions pour rendre nos sociétés plus égalitaires… toutes déterministes soient-elles !