Scénario et dessin : Florent Silloray
En juin 1972, la jeune Sarah Evans est mandatée par le journal étudiant de l’UCLA où elle étudie le cinéma pour interviewer Merian Cooper, qui vit avec sa femme sur Coronado Island, près de San Diego. L’homme est un peu oublié mais il a une vie riche et active dans un grand nombre de domaines. Après avoir été pilote lors de la Première Guerre Mondiale, il fut chargé, en compagnie d’Ernest Schoedsack, d’observer la révolution bolchevique à la frontière russe et en Pologne. Bon écrivain, il fut envoyé comme reporter sur l’expédition Salisbury, qui allait faire le tour du monde et rencontrer les peuples de différents pays sur leur route mais ce qui le fera le plus connaître, ce sera sa co-réalisation avec son ami Ernest du film très moderne pour l’époque, King Kong …
L'âge d’or d’Hollywood reste dans tous les esprits et cette référence à King Kong peut attirer l'oeil. Si on se rappelle souvent bien les acteurs et actrices, c’est moins le cas des réalisateurs, surtout de cette époque. Avec cet album, on découvre la vie bien remplie de Merian Cooper, pilote de guerre, officier de renseignement, journaliste, écrivain, explorateur, réalisateur, producteur, homme d’affaire, etc. Il a rencontré de nombreux personnages, a vu la montée du communisme, a été sur le croiseur Missouri lors de la reddition du Japon en 1945, a été impliqué dans la chasse aux sorcières des jours sombres du Maccarthysme, a été un des fondateurs de la compagnie aérienne Pan-Am et a favorisé l’essor des vols aériens commerciaux, a réalisé King Kong (qui reste encore de nos jours un film marquant), a produit Autant en emporte le vent, a encouragé le système Technicolor …. Enfin bref, vous avez ici un bel échantillon de ses faits d’armes ! Il faut dire qu’il a vécu à une époque où les choses ont évolué très vite et il a su en profiter. Par contre, il n’était pourtant pas un personnage sympathique, justifiant ses comportements peu agréables et peu humains par le fait que c’était une « autre époque », une excuse que l'on trouve toujours un peu facile et qui revient régulièrement dans l’album. Qui plus, si c’est une lecture qui nous a appris beaucoup de choses, il n'y a pas beaucoup d’émotion : on croirait presque lire un CV ou une liste de choses à faire. C’est détaillé mais cela reste assez plat : jamais l’auteur, sauf vers la fin, ne questionne les envies, les motivations et la mentalité de cet homme, ce qui aurait pu donner lieu à un développement psychologique intéressant et représentatif d’une période donnée et d’une génération. Le graphisme est très agréable et on reconnaît le style découvert dans le premier album de cet auteur, Le carnet de Roger. Il alterne en réalisme et simplicité, entre modernité et aspect suranné et les récits du passé, racontés en tons sépia, qui sont majoritaires dans l’album, tranche bien avec le présent (enfin, le présent de 1972, le moment de l’interview) qui est représenté en tons pastel. Mais la découpe sage et classique ne donne pas de punch ni de rythme à un récit par ailleurs monocorde.
VERDICT
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Un album qui laisse une impression un peu mitigé. Vous apprenez de nombreuses choses mais vous ne ressentez rien et le personnage n’apparaît pas comme sympathique. Il manque de l’émotion.