Scénario : Gaët's
Dessin : Julien Monier
Ils sont six dans leur brigade. Tous les six luttent pour survivre. Ils essaient de survivre à leurs démons. Ils tentent de survivre à leur vie ratée. Mais ils tentent surtout de survivre avec leur misérable salaire minimum. Leur seul lien est leur travail. Et c’est la plus grosse merde que vous puissiez imaginer. Après tout, les six vident les maisons des personnes décédées dans une solitude totale. Habituellement, ils n'entrent en jeu que lorsque le cadavre est déjà en train de pourrir, à moitié mangé par les asticots ou pire encore. Le défunt ne manque à personne. Personne ne manque de ses biens, souvent maigres. Alors ils prennent tout simplement tout et le mettent aux enchères. La seule chose que la brigade laisse derrière elle, c'est le corps. C'est pour le croque-mort. Par-dessus leurs épaules, les patrons veillent attentivement à ce que rien ne soit volé. Le blâme, la puanteur insupportable et les salaires de misère sont à eux. Eugène et le dernier des six, pas le plus lustré de la bande, qui doit a son tour nous raconter sa vie, et expliquer sa présence dans ce drame en six actes identiques. Alors tout y passe, sa vie pourrie, ses choix sanguins, son avis sur les gens, les genres, les races. Gaet’s s'amuse a nous repasser l'ensemble des protagonistes pour lever quelques doutes (et oui Fanette est bel et bien morte ), punir les derniers survivants, tenter d'apporter un petit retour de bâton a ceux qui génère la crasse et en profite.
Encore une fois, quel savoir-faire les auteurs ont fait ici ! L’élément central et récurrent de l’histoire – le meurtre du nouveau collègue dans la première partie – est en fait raconté encore et encore, mais à chaque fois du point de vue d’un collègue différent. De cette façon, avec chaque album, de nouveaux détails sont révélés sur cette scène ainsi que sur la psyché et le cycle de vie des collègues. Le risque de se répéter ou de révéler trop de surprise trop tôt est alors grand. Mais non, le scénariste Gaet choisit bien, l'équilibre est là. En effet, plus cette série est complétée par un rôle fort, plus elle rayonne sur les volets précédents et prouve qu'il s'agit bien d'un projet d'ensemble bien pensé. On pourrait qualifier RIP de compte à rebours grotesque mais fascinant. Le scénario est déjà saisissant, mais c'est la franchise des dessins de Julien Monier qui complète le tableau d'ensemble. Peu de séries de bandes dessinées dépeignent les cadavres et le caractère éphémère de la vie de manière aussi crue. Les mouches que Monier dessine en détail sur la page de couverture avant même le début montrent à quel point les deux auteurs prennent au sérieux la représentation de toute cette crudité. Il est toujours fascinant de constater la répétition incessante des situations de vie. A la manière d'un derviche tourneur, on a parfois l'impression que rien ne peut faire dévier la trajectoire et qu'on a beau chercher un autre angle d'approche les mêmes causes produiront les mêmes effets. C'est ce qu'il en sort un peu, de façon presque dépité, du tome final de RIP. Dans cette inimitable série, la crasse humaine dans tout ce qu'elle a de pire a depuis longtemps embarqué le danseur. Et au final, qu'est ce qu'il reste ? Tout recommence, car la disparition d'une activité entraine forcement un opportunité pour les cafards qui rodent, et tant que la confiture attire, ils seront toujours la. Alors à quoi bon ? Si la vie se résume a une répétition infinie des mêmes situations nous serions tous des "Sisyphe" et n'attendrions comme lui que le dernier soupir. Alors faut se rebeller. Tout le temps. Ne pas accepter. Et si rien n'est simple, il y a un moment ou il faut arrêter de tourner sur soit même.
VERDICT
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Cette série est assez atypique et c'est pour cela qu'elle ne lâche quasiment rien. Ce tome 6 ne déroge pas des précédents et apporte un point final à l'histoire car il en fallait un.