Interview Édouard Cour.
A l'occasion de la sortie de l'intégrale d'Heraklès, nous avons pu rencontrer l'auteur Edouard Cour lors du salon Quai des Bulles.
BD Expo : Quel est votre parcours ?
Édouard : Ma vocation est venu enfant, mais au fil des études, j'ai réalisé que la BD n'était peut être pas un métier d'avenir, donc j'ai appris le reste, et je suis donc devenir designer graphique. Une fois les diplômes en poche, je suis revenu vers la BD sur mon temps libre. Mes projets graphiques n'avançaient pas, et pour m'amuser, j'ai monté un dossier BD sur Heraklès, et là ça a fonctionné aussitôt. J'ai fait beaucoup de recherche à l'époque, puisque je n'y connaissais pas grand chose. En fait, je pensais connaître l'histoire d'Heraklès, et c'est en la redécouvrant, qu'en fait ... non pas du tout ! Et comme il y a autant de versions que de gens qui racontent cette histoire, le sujet ne manquait pas de matière.
Heraklès ressort aujourd'hui en intégrale, un immense récit (160 pages par tome) proposé en version couleur ou noir et blanc.
Oui ça a été très long. Au début, j'étais parti sur seulement deux tomes, mais au fil des recherches, je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup plus à raconter. Et j'aurai même aimé une version encore plus longue ! Mais un tel bloc était nécessaire pour raconter les grandes lignes mais aussi les petites histoires d'Heraklès qui ne manquent pas d'intérêt. La version noir et blanc se destine davantage aux amoureux du dessin, puisque toute la couche numérique a été supprimée. L'idée a quelque chose d'intéressant pour ceux qui apprécient la technique, mais aussi pour ceux qui ont aimé la trilogie d'origine. J'ai refait la couverture, et c'était important de signer cette version définitive.
Après l'adaptation du mythe d'Herakles, voici donc une biographie sur Morihei Ueshiba, fondateur de l'Aikido.
A la base c'était une rupture complète, la mythologie grecque c'était juste une fois, mais avec le recul on y voit le rapprochement thématique du guerrier. Cette fois, il est plus philosophique, bien que la trame ressemble à celle d'un manga. Cela permettait de montrer la rigueur qu'il faut respecter, mais avec un autre graphisme au dessus, j'ai montré qu'il fallait s'affranchir des conventions.
Le travail graphique est très différent, puisque l'ouvrage est entièrement en noir et blanc.
Oui c'est ce que j'apprécie le plus. Après pour les techniques d'arts martiaux, tout n'a pas été montré, puisque je ne suis pas le meilleur dessinateur du monde, donc je ne voulais pas faire de fausse note ou parasiter le récit. Le Japon et son esthétique est ma passion première. L'occasion de mélanger mon graphisme avec des codes que je ne connaissais pas, mais j'ai essayé d'allier le fond et la forme. Le plaisir de travailler à l'encre a été total.
Vous indiquez en préface "bien que cet album traite d'arts martiaux et de combats, il invite plus à la méditation qu'au divertissement.
Oui dans cet ouvrage, Ueshiba cherche ce qu'il va devenir de plus. Il a son illumination beaucoup plus tôt qu'Heraklès. Il a le temps de réfléchir et d'expliquer après son idéal (quelle est sa voie, qu'est ce qu'il doit faire). C'est beaucoup plus sérieux, mais non moins fascinant.
Les situations oscillent entre rêve et réalité.
En effet, ça peut surprendre les fans d'arts martiaux. C'est un peu l'anti shonen, et je voulais dès le départ montrer que ce n'était pas un ouvrage centré sur les combats et l'action. Après l'illumination, ça devenait même une plus grande certitude. Mais j'aime beaucoup dessiner les personnages en mouvements, et cela va rester dans le prochain projet.
J'imagine qu'il y a eut besoin d'un gros travail de documentation
A la base, j'étais parti sur une biographie, mais je voulais m'affranchir des formats habituels. J'étais un peu perdu, donc c'est presque une sorte d'essai narratif. ça a été compliqué de mettre tout en scène. Je connaissais heureusement le personnage, et j'avais les grandes lignes. Mais beaucoup d'éléments entendus n'étaient rien d'autres que des légendes urbaines, il a fallu vérifier et revérifier certains faits, mais pour certains événements les versions divergent selon les témoins. Il reste d'ailleurs quelques erreurs, qui seront peut être corrigées dans la deuxième édition.
C'est un album très philosophique, il y a assez peu de combats finalement
Exactement, c'est ce qu'il y avait de plus important et il était vital d'éviter les contresens. Et ça j'ai l'impression d'avoir évité les impairs, même si j'avoue ne pas avoir tout compris des propos d'Ueshiba. Après l'historique, j'ai évité les choses trop datables puisqu'on est pas sur du tout de la chronologie.
N'était-ce pas risqué de s'éloigner du format BD franco-belge classique ?
Les fans de manga ne se posent pas ce genre de question, mais c'est vrai que j'ai pensé à ajouter quelques touches de couleur. Finalement ça n'apportait rien au propos, même les nuances que je voulais montrer n'apparaissent plus évidentes avec des touches de rouge. Au final, l'austérité montre que c'est un ouvrage qui fait réfléchir.
La Grèce Antique, le Japon des années 1900, la prochaine étape ?
Totalement différente. Je travaille sur un senpai. Il s'agit à nouveau d'une histoire totalement en noir et blanc, mais lorsque les héros se transforment leurs combinaisons seront affichés en couleurs.
Comme les Bioman et les Power Rangers ...
Oui c'est ça. Un ouvrage très japonisant donc, et plein d'humour, toujours prévu chez Akiléos, peut être pour l'année prochaine. J'aime bien explorer de nouveaux horizons à chaque fois.
Finie les séries historiques ?
Non non, mais une pause ne sera pas de trop. Heraklès et O Sensei ont été particulièrement chronophages. Après si un projet intéressant se présente ou si j'ai moi même une illumination, pourquoi pas ?
Merci Edouard !
Merci à vous.
