Le parcours de Prigojine est très différent de celui de la plupart des oligarques russes. En tant que jeune homme dans la soviétique Leningrad, il a été emprisonné pendant 9 ans pour des accusations liées au crime organisé. Il a été libéré de prison trois ans au début de 1990, ce qui pourrait signifier qu'il a conclu une sorte d'accord avec les autorités. Il crée ensuite un commerce de gros de saucisses avec son beau-père et devient le directeur d'une chaîne d'épiceries à Saint-Pétersbourg appartenant à un camarade de lycée. Quand les affaires ont faibli au milieu des années 1990, lui et un autre ami ont décidé d'aller dans le businesss des restaurants. 1A cette époque, Poutine (qui était encore officier de réserve au KGB, après son retour de l'Allemagne de l'Est) était conseiller, puis premier adjoint, du maire de Leningrad/St.Pétersbourg. Il s’agit probablement d’un arrangement qui a d’abord été encouragé par le KGB. Les accords conclus par Prigojine au début des années 1990 n'auraient pas pu aboutir à l'insu de Poutine. Prigojine se serait lié d'amitié avec l'un des gardes du corps de Poutine, Roman Tsepov, 19 ans, quia également contribué à assurer la sécurité des organisations locales du crime organisé. Poutine lui-même avait eu de nombreux liens d'affaires avec des dirigeants du crime organisé de Saint-Pétersbourg à cette époque. Après que Poutine ait été élu président de la Russie en 2000, il a fait venir plusieurs dignitaires étrangers dîner dans l'un des restaurants de Prigojine, y compris le président américain George W. Bush au moins deux fois. À un moment donné, les activités de Prigojine se sont diversifiées. Il est devenu le traiteur principal pour le Kremlin, pour le système scolaire public russe et (au moins pendant deux ans,jusqu'à ce que le ministère de la Défense y mette fin) pour l'armée russe. Il a également assuré le service de nettoyage pour l'armée, où il a été accusé de corruption. En 2017, la Défense russe a commencé à refuser de payer les factures de Prigojine. Il a poursuivi le ministère de la Défense en justice plusieurs fois, et a largement gagné ces litiges juridiques,  démontrant le pouvoir de son « toit » dans le système judiciaire russe. Prigojine s'est encore diversifié lorsqu'il a fondé l'Agence de recherche Internet de Saint-Pétersbourg, la « ferme à trolls » mise en accusation et sanctionnée par les États-Unis pour son influence clandestine sur les réseaux sociaux où il a tenté de peser lors des élections présidentielles américaines de 2016. Les entreprises ont également été associées à des opérations clandestines d’influence politique à travers tout le pays.

En 2016, il a été révélé que les entreprises et le personnel de sécurité de Prigojine étaient également liés à l'entreprise militaire Wagner, en grande partie grâce au travail d’intrépides journalistes d’investigation russes. Commençant en 2014, probablement avec la prise de la Crimée et certainement avec le déclenchement de la guerre dans l'Est de l'Ukraine, l’État russe a fréquemment utilisé le groupe Wagner comme outil de sécurité à l’étranger (Syrie, Libye, Afrique subsaharienne, etc). Le groupe Wagner tire son nom de guerre de son commandant d'origine, Dmitry Utkin, 38 ans , lieutenant-colonel du GRU qui a mis fin à sa carrière officielle en 2013 en tant que commandant d'un détachement spetsnaz. Bien que beaucoup qualifient le groupe Wagner d’entreprise militaire privée, il entretient des relations très étroites avec l’État russe. Poutine lui-même a reconnu publiquement l'existence du groupe Wagner lors d'une conférence de presse en décembre 2018.  Beaucoup qualifient le groupe Wagner de « mercenaire », mais ses membres ne sont pas non plus de véritables mercenaires. Bien qu’ils se battent pour obtenir de l’argent sous contrat, le groupe est farouchement patriotique. Cela ne fonctionne que dans des situations où elle estime agir au nom de l’État russe. Le groupe Wagner s'est tellement transformé au fil du temps qu'à ce stade, ce n'est peut-être qu'un nom.pour une activité de l’État russe, plutôt que pour une entité distincte dotée d’un organigramme. Le recours au groupe Wagner a apporté au moins deux avantages clés à l’État russe : semblable aux avantages obtenus par de nombreux autres États qui utilisent les PMC. Premièrement, Wagner sauve les ressources budgétaires de l'Etat en employant son personnel sous contrat, de manière à ce qu'aucun problème de santé ou des prestations de retraite doivent être versées. Deuxièmement, le groupe Wagner donne à l’État russe un déni plausible pour les activités soutenues par l’État. Cette mise en illustration rend très accessible les activités de Wagnern, le travail d'enquête des journalistes est percutant : corruption, intérêts, intermédiaires, montages financiers, morts suspectes, guerre.... Un récit choc, bien documenté, très clair, recontextualisé grâce à un personnage qui sert de fil conducteur à la compréhension. Le monde pourri de la politique et de l'argent.