Réalisé par Camille Griffin.
L'hôtesse Nell espère beaucoup de la fête de Noël qui approche, elle souhaite et proclame carrément qu'elle doit être une "fête de l'amour et de la vérité", mais surtout - et cela est d'abord passé sous silence - qu'il s'agit de la dernière fête, car la fin inéluctable approche, on en est sûr et on est d'accord. Nell et son mari Simon, ainsi que leurs amis de l'école qui ont fait le déplacement, essaient donc de tirer le meilleur parti de la soirée et de la situation, même si l'horreur qui s'approche a parfois un effet sur l'ambiance. Tandis que les adultes commencent à se distraire avec des disputes et de l'alcool, seuls leurs enfants tentent de remettre la situation en question, mais ils font toujours la sourde oreille alors que le temps passe...
Il est évident que la fête de Noël ne sera pas comme les autres et qu'il y a quelque chose qui ne va pas, mais la position des personnes présentes, où se trouvent les conflits, comment - et si - ils vont éclater, tout cela est une autre histoire. Il est donc plus que difficile de classer Silent Night dans un genre particulier, car il ne faut pas s'attendre à un "vrai" film d'horreur, d'autant plus que l'horreur provient presque uniquement de la situation (désespérée), tandis que l'humour est d'une telle gravité, d'une telle noirceur et d'une telle méchanceté que certains ne le reconnaîtront même pas comme tel. Mais il est également vrai qu'il s'agit essentiellement d'un drame, à la différence près qu'il s'inscrit dans une situation grotesque, qui fait d'ailleurs de l'action une sorte de pièce de théâtre de chambre, car à quelques exceptions près, tout le film se déroule dans un manoir isolé, où l'on passe les derniers jours de Noël. La complexité de ce premier long-métrage de Camille Griffin le rend aussi encombrant que passionnant, car il y aura sans aucun doute beaucoup de gens qui n'auront pas grand-chose à faire de ce genre d'horreur, de comédie ou même de drame, bien que ce soit justement ce qui en fait le charme. Pour ceux qui se sentent concernés ou qui sont curieux, Silent Night est un film inhabituel qui se consacre à des thèmes aussi brûlants qu'existentiels et qui met au premier plan le conflit des générations. Et bien que le casting de vieux amis soit plus que prestigieux, avec entre autres Annabelle Wallis et Lucy Punch, tandis que Keira Knightley et Matthew Goode ont déjà eu l'occasion de diriger des productions d'un tout autre calibre, les enfants occupent de plus en plus le devant de la scène, en particulier Art, incarné par Roman Griffin Davis, qui commence à remettre la situation en question avec une intuition fine et un geste intelligent et qui trouve une alliée inattendue en Sophie (Lily-Rose Depp). En revanche, il fait la sourde oreille auprès de ses aînés, qui ne sont pas responsables de la situation et ne voient pas de possibilité d'échapper à l'inéluctable. Aussi placide que cela puisse paraître comme situation de départ, il y a bien des choses qui se cachent dans le sous-texte, avant qu'une absurdité amère ne reprenne le dessus, accompagnée d'une horreur qui s'installe lentement. La scénariste et réalisatrice Camille Griffin reste jusqu'au bout incroyablement cohérente et fataliste dans son récit, mais elle parvient aussi à arracher à la situation d'innombrables moments d'une drôlerie amère, tandis que les adultes en particulier s'exercent d'une part à un flegme stoïque, mais s'accrochent d'autre part de plus en plus désespérément à leur alcool et aux distractions éphémères que l'alcool peut encore leur offrir. Il y a souvent quelque chose de véritablement enchanteur et de presque surréaliste, mais nous avons aussi affaire à une fête de Noël tout sauf habituelle, et même la sonorisation de Noël offensivement joyeuse du film se moque évidemment de la situation dans toute la mesure du possible. Silent Night n'est peut-être pas un film pour les grandes salles et le grand public, mais c'est un film anti-Noël plus qu'extraordinaire, incroyablement sûr de lui et qui, en plus de ses touches d'humour noir, se consacre à des thèmes tout à fait sérieux - et à prendre au sérieux - qui font que l'absurdité de la situation ne semble soudain plus si grande. Le fait que le film ait été réalisé (en grande partie) dans le contexte de la crise du Covid s'approchant à grands pas s'accorde parfaitement avec la note tragi-comique.
VERDICT
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Camille Griffin livre avec Silent Night un film subtil et anticonformiste qui n'est certes ni un drame, ni une horreur, ni une comédie, mais qui imbrique avec art des éléments de tous ces genres et raconte une histoire à la fois actuelle et universelle. Bien plus une œuvre d'art et d'essai à l'humour noir qu'un film grand public, cette production trouvera certainement sa cible.