Laup, un jeune acteur venant de Guyane, incarne le bluesman Robert Johnson dans un film. Lors d’une projection, il espère avoir l’avis d’un vieux professeur de l'université du Mississipi, Gordon Kyle Moore, spécialiste incontournable du blues de cette époque, mais ce dernier repart furieux de la séance. Délaissant sa tournée de promotion, le comédien part à sa poursuite pour comprendre sa colère. Son odysée le mène jusqu'au Delta Blues Café, tenu par l'exhubérante Jezie, dernière repaire des férus de blues.

« Pourquoi, chaque fois que l’on représente le Blues, on se sent obligés de se priver de couleur ? » L’album prend donc résolument le contrepied de ces conventions pour se pencher sur les racines du Blues dans une superbe explosion de couleurs propre au sud-américain : entre champs de coton, ciel profond et terres ocres. Ce choix graphique désacralise la période et invite le lecteur à s’identifier aux personnages ou tout au moins se projeter dans cet environnement. L’hyper-réalisme des dessins, leur précision comme la qualité des visages aux traits accentués rend l’album immédiatement désirable : le graphisme remarquable de Miras saute tout simplement aux yeux. Le professeur mondialement reconnu de l’histoire du Blues, vieux grincheux, asocial et irascible, Gordon Kyle Moore, semble s’être échappé des « Vieux Fourneaux » de Lupano et Cauuet. Un scénario par moment elliptique et confus reprend les balises historiques de la période. Une abondante annexe en fin d’ouvrage éclaire opportunément certains aspects ou personnages croisés au gré de l’intrigue pour tout lecteur profane. Dommage cependant que ce scenario ne nous ait pas pris par la main pour nous accompagner dans l’observation de cette période à travers le regard d’un « John Lomax » alias Gordon Kyle Moore, collecteur compulsif et érudit du répertoire des musiques populaires américaines.