Du Japon à l'Angleterre.

Est-ce que vous repérez le coupable dans un livre de mystère après avoir lu une vingtaine de pages ? Votre sixième sens vous permet-il de repérer facilement les indices, les preuves et les incohérences ? Alors vous devriez rencontrer Ryunosuke Naruhodo et l'accompagner dans son enquête dans The Great Ace Attorney Chronicles. Balistique. L'ADN. Simulations informatiques. Avec tous les outils mis à disposition par la technologie moderne, découvrir l'auteur d'un crime en reconstituant en détail le déroulement des événements est devenu beaucoup plus facile que par le passé. Oui, le passé. Comment, par exemple, résolvaient-ils les affaires judiciaires complexes au début des années 1900 ? Simple. C'est l'intuition et le raisonnement qui seront les principaux compagnons de tous ceux qui souhaitent entrer dans le monde de The Great Ace Attorney Chronicles. Le "nouvel ancien" titre de Capcom appartenant à la grande famille des Ace Attorney est en fait un concentré d'enquêtes et d'interrogatoires où l'action est réduite au minimum, et où il est fondamental de méditer chaque mot et de faire fonctionner la matière grise à plein régime. Les dix cas mettant en scène Ryunosuke Naruhodo sortent pour la première fois sur le Vieux Continent (et aussi pour la première fois sur les consoles de salon) après avoir été divisés en deux épisodes (The Great Ace Attorney Adventures et The Great Ace Attorney 2 Resolve) sur Nintendo 3DS en 2015 et 2017. Le jeu arrive avec la même progression narrative et tous les éléments structurels intacts, offrant un ensemble graphique nettoyé et une traduction en anglais. Oui, en anglais. Il n'y a pas de localisation française, un fait à prendre sérieusement en considération pour ceux qui envisagent l'achat. Le grand Ace Attorney Chronicles est en effet un titre dans lequel la compréhension du texte joue un rôle important. En effet, plus qu'important, fondamental. Derrière des mécaniques simples et facilement maîtrisables, construites sur un nombre extrêmement limité de commandes et d'actions, se cache une expérience complexe et articulée qui ne peut être affrontée de manière distraite.

La superficialité n'est pas tolérée, car nous parlons de cas qui, pour être résolus, nécessitent de passer des heures (environ au moins cinq-six) entre les tests, les questions et les réponses. Examiner chaque scène en ayant bien en tête la description de chaque objet, comprendre ce que disent les différents témoins lors des interrogatoires, lire attentivement toutes les notes et informations déposées dans les documents judiciaires, être capable de recouper correctement les déclarations à la recherche des incohérences nécessaires pour convaincre les jurés sont les éléments centraux sur lesquels repose la dynamique du jeu, et ne sont possibles qu'avec une bonne connaissance de la langue anglaise. Les problèmes linguistiques mis à part, The Great Ace Attorney Chronicles est un ensemble qui convainc sur toute la ligne. À partir d'une structure testée, des éléments originaux ont été insérés (surtout les "duos" avec Herlock Sholmes et les dialogues avec les jurés) qui rendent la structure du jeu plus variée, offrant de nouveaux points d'intérêt même à ceux qui connaissent déjà la série. Ceux qui n'ont jamais porté les habits d'un avocat virtuel se retrouveront devant un titre consacré à la réflexion, dans lequel il y a beaucoup à lire et beaucoup à penser. Malgré ce qui vient d'être écrit, il est important de souligner combien l'expérience de jeu s'écoule avec une fluidité discrète et n'est jamais excessivement lourde ou ennuyeuse. Le mérite revient à une écriture brillante, avec un scénario au complexe bien pensé dans lequel il y a des rebondissements et des gags comiques capables d'alléger l'atmosphère. Une succession de situations qui passent avec une rapidité et un naturel extrêmes du drame à l'humour, insérées dans une intrigue bien définie qui se répète, avec quelques variations sur le thème, enquête après enquête. Les cas, de plus en plus complexes et riches en facettes, maintiennent une certaine cohérence dans le développement de l'intrigue et sont crédibles, même si certaines solutions peuvent paraître assez audacieuses. La concaténation des événements narrés apparaît parfois tout à fait improbable et à la limite de l'impossible.

Coupable ou innocent ?

La caractérisation des personnages est bonne, pour ne pas dire très bonne, en commençant par le personnage principal et en terminant par le dernier des personnages secondaires. Le casting est très riche, et tous ceux qui passent par les salles d'audience japonaises et britanniques (ou, plus généralement, qui sont impliqués dans les événements de Ryunosuke Naruhodo) sont dotés d'une personnalité distincte et présentent des caractéristiques uniques, qu'il s'agisse de tics, de manies, de gestes ou de dictons. Dresser une liste de favoris est en effet une tâche difficile, tout comme il est difficile de ne pas s'attacher à la figure de Susato Mikotoba, de ne pas accueillir avec un mélange de terreur et d'anxiété chaque intervention du redoutable procureur Baron Van Zieks et de ne pas être curieux chaque fois qu'apparaît Herlock Sholmes, le légendaire détective toujours prêt à fournir des reconstitutions plus ou moins farfelues. Les dernières grandes questions qui accompagnent la sortie d'une remasterisation/collection HD sont toujours les mêmes. Comment s'est passé le lifting ? Voyez-vous encore les rides du passé, ou la peau est-elle lisse, tendue et ferme ? Dans le cas de The Great Ace Attorney Chronicles, les réponses sont très simples. Compte tenu de la nature du jeu et de sa disposition graphique, on ne peut pas se plaindre.

Il y a quelques imperfections, visibles très clairement à certains moments (les champs larges du palais de justice, par exemple), mais elles sont éclipsées par une conception des personnages et des décors convaincants dans l'ensemble. Ce n'est donc pas un miracle puisqu'il s'agit d'un remaster d'un jeu 3DS avant tout, mais ce qui apparaît à l'écran est de bonne qualité et fournit le bon cadre visuel pour une excellente aventure. Et sur ce dernier point, aucune objection n'est acceptée ! Les modèles tridimensionnels sont très bien réalisés, les animations sont dynamiques et les décors où nous enquêtons sont également très bien sculptés. Quant à la bande-son, nous n'avons aucune réclamation non plus, puisqu'elle est extrêmement délicieuse et sait maîtriser l'émotion du jeu et ses moments de tension. On peut en dire autant du doublage, qui bien que rare (quelques lignes entre beaucoup de texte...) est également acceptable, aussi bien en anglais qu'en japonais. Cerise sur le gâteau, le jeu propose une multitude d'extras , notamment des croquis, des illustrations conceptuelles, des morceaux de musique et même des vidéos promotionnelles pour le jeu localisées en anglais pour la première fois. En revanche gros bémol du côté de l'édition puisque l'Europe doit se contenter d'une édition digital alors qu'une version physique est pourtant bien sortie en Asie ...