Isra, une Yéménite, vit d'économies et de renoncements avec Ahmed, son mari chauffeur de taxi violent, et leurs trois enfants, fruits de leur mariage près de la ville portuaire d'Aden. Les conséquences de la guerre civile qui frappe le pays se transforment, pour eux comme pour presque tous les autres citoyens modestes, en obstacles et en interdictions qui rendent plus problématiques tous les gestes quotidiens autrement normaux. Une vie rythmée par les perquisitions militaires incessantes, les files d'attente pour le ravitaillement, le rationnement des produits de base comme l'eau potable. Le jour où Isra se rend compte qu'elle est à nouveau enceinte, elle tente de trouver une solution concrète avec son mari, visiblement inquiet de savoir comment subvenir aux besoins de ses enfants face à la pénurie de biens de consommation, qui se traduit par une augmentation constante des prix. Mais l'avortement n'est pas chose aisée, ni sur le plan pratique, ni sur le plan économique, surtout dans un contexte turbulent comme celui qui s'annonce à Aden et au Yémen en général.

Le réalisateur Amr Gamal introduit le spectateur dans le drame d'un pays en proie à une guerre civile acharnée depuis plus d'une décennie, et dans un contexte familial où un nouvel enfant peut causer la ruine d'une famille entière qui lutte déjà pour s'assurer des moyens de subsistance décents. Le talentueux cinéaste insiste sur la panique qu'une nouvelle maternité insinue dans l'harmonie déjà difficile d'un couple, compromise par l'augmentation disproportionnée du prix des biens de subsistance, et la difficulté d'assurer un avenir à la nombreuse progéniture déjà conçue. A cela s'ajoutent les perplexités que suggèrent aux jeunes mariés les préceptes d'une religion qui les implique bien plus que les dispositions légales dictant des règles strictes en matière de pratiques d'interruption de grossesse. Le résultat est une fresque néoréaliste dramatique qui représente une occasion précieuse et presque unique d'esquisser les traits d'une société presque toujours à l'écart de toute considération et de toute enquête internationale, mais souvent fermée sur elle-même, capable de mettre en évidence les incongruités d'un agrégat social contraint de vivre au jour le jour et sous la menace de répercussions de plus en plus difficiles dans un contexte d'instabilité politique et sociale qui n'engendre que précarité et difficultés de subsistance.