Manteaux amples bleu clair. Toujours deux tailles plus grandes. Ils recouvrent les corps de médecins, d'infirmières, sortes d'anges habillés de façon à les agrandir. Comme si leur âme était plus grande que leur corps. Les masques étaient bien serrés sur le visage. Des nerfs et des larmes sur moi. La tristesse des grandes fenêtres, souvent mal nettoyées, qui descendent sur des jardins malheureux et statiques, dépourvus d'humanité, déformés par la douleur et la sensation de la maladie qui déborde du corps, même vers la nature, le rendant gris. Des vies qui naissent avec tendresse ou souffrance. Des vies qui se terminent, des tumeurs qui se développent et des implants qui remplacent des grossesses qui n'arrivent pas. Avec un regard plein de tendresse, de compassion et d'écoute, la réalisatrice française Claire Simon témoigne dans une clinique gynécologique parisienne, de scènes d'accouchements et de diagnostics de cancer, de consultations sur l'endométriose et d'hormonothérapie pour une femme trans âgée. Le film qui émerge au fil du chemin commence par une observation avant de devenir de plus en plus personnel, une réflexion sur ce que signifie vivre dans un corps féminin. Une jeune de 15 ans qui cherche à avorter. Une maman qui accouche avec la joie et le calme de boire du thé avec une amie. Un très jeune homme en transition de genre. un trentenaire à la libido basse, un couple dont l'homme a un faible nombre de spermatozoïdes, Notre Corps regorge d'histoires, de maladies et de corps.

Il est difficile de décortiquer (il faut le dire) Notre corps de Claire Simon en une seule séance. D’après l’intrigue et l’impression superficielle, il semble que nous soyons témoins d’un rituel sage de circonspection et de pseudo-fiction très apprécié, avec beaucoup de mots, de nombreux visages, de nombreuses histoires. Puis le vernis se brise et le véritable moteur du film commence à tout innerver dans un assaut capital contre notre perception du film : l'enjeu, dans cet affrontement, c'est la représentation du corps au cinéma, par quoi est-elle politiquement motivée, comment elle est largement guidée par des raisonnements et des pensées abstraites et par ce qui bouge plutôt par l'instinct et l'émotion. Que lui arrive-t-il dans tous les états de la vie, et par conséquent qu'arrive-t-il au film qui, tel un grand corps sensible et respirant de près de trois heures, naît, grandit et vieillit. Dans le service de gynécologie d'un hôpital parisien, Claire Simon trouve la bonne interprétation entre le clinique, l'humain, le spirituel, l'admiré et l'indigné. Elle le fait avec grâce, masquant chaque motif tout en laissant tout paraître à la bonne place, dans un travail de montage digne d'un jongleur. La sexualité n'est pas qu'un spectre, après Notre Corps elle apparaît comme un labyrinthe.