Jour 1. 3 juin 1944. Un cerf entre dans le champ de vision d'un garde-chasse. Un mouvement détourne le regard attentif de l'homme, qui ajuste sa visée un peu plus loin, vers la source du bruit, vers une silhouette en tenue de marche, calme, essayant de caresser l'animal. Le garde-chasse se fige, incrédule : ce qu'il a devant lui, apparemment inoffensif et certainement loin d'être menaçant, c'est Adolf Hitler. Le dernier ouvrage de Galli, Le Nid (Il nido, 2022), raconte le Führer d'un point de vue intime qui n'est pas sans précédent, mais certainement inhabituel. En fait, il est plus juste de parler d'une multiplicité de perspectives, maintenues ensemble par la narration susmentionnée qui est plus cinématographique que littéraire. En effet, ses derniers jours sont vécus à travers les yeux de sa compagne Eva Braun, de son chien Blondi, du garde-chasse qui a eu plusieurs fois l'occasion et la tentation de tuer l'homme qui a marqué l'histoire du XXe siècle, et de la cour d'officiers, de médecins et de sympathisants qui le suivent jusqu'à son refuge perché dans les Alpes bavaroises, connu sous le nom de "Nid d'aigle". Les perspectives sont multiples, car Adolf Hitler est l'un des personnages les plus impénétrables de toute l'histoire de l'humanité, et il est impossible de l'enfermer dans un seul point de vue. Les chercheurs et les historiens s'interrogent encore sur ses contradictions, ses hallucinations et le potentiel de son charisme : même après le débarquement des Alliés et alors que l'armée est en déroute, il continue à parler de son empire comme s'il était impérissable. La mort de centaines de milliers de personnes par sa faute n'entrait pas, dans son esprit, en conflit avec un profond respect pour le règne animal, à tel point qu'il était un végétarien convaincu.

Le cas clinique d'Hitler a fait l'objet de nombreux débats : certains ont parlé de schizophrénie, de névrose, d'une personnalité paranoïaque affectée d'un délire de toute-puissance, mais la vérité est qu'il s'agit d'un cas si complexe qu'il est impossible d'aller au fond des choses. Galli dépeint le Führer comme une personnalité fragile, en proie à d'incessantes contradictions et succube au rôle qu'il s'est assigné, un homme à la personnalité bipolaire et dépendant de drogues et de médicaments durs qui sont de toute façon incapables d'endiguer ses délires. En cinq jours, la cour dont le chancelier est entouré se montre de moins en moins dévouée, ses proches sont progressivement effrayés par sa déchéance psychophysique, et l'idée de sa mort, que ce soit par la main d'autrui, par accident ou de sa propre main, devient de plus en plus plausible et souhaitable aux yeux de tous. Une escalade de délires, de visions et d'hallucinations accompagne les dernières heures de la vie du Troisième Reich, dans une esthétique de type pulp qui cache derrière ses couleurs hyper-saturées la terreur du jugement de l'Histoire, la terreur que tout, de la vie de millions de personnes à l'existence de cerfs dans les bois, aurait continué même (et peut-être mieux) sans "lui". Il est impossible de résumer tout cela en 160 pages, mais tout en laissant la porte ouverte à mille idées et doutes, Le Nid capture l'inévitabilité du destin et en même temps l'absurdité des prémisses qui ont généré les décennies les plus dramatiques du siècle dernier, en confiant le jugement du lecteur et de l'humanité au potentiel infini de la bande dessinée, que Galli expérimente et utilise avec une énergie et une maîtrise déstabilisantes.