2055. Ezra Morel est un brillant concepteur de jeux vidéos qui travaille dans la  Silicon Valley. Il doit rentrer en urgence à Marseille car son père a signalé la disparition de son frère. Ezra découvre que ce dernier souffre du syndrome de l’iceberg, un mal qui l’isole des interactions humaines. Son frère préfère communiquer avec des objets connectés, qui ont envahi le quotidien de la population. Tandis qu’il enquête sur son frère, l’ingénieur est approché par une entreprise qui ambitionne d’interroger toute la population française, pour empêcher la marginalisation de certaines populations, plus fragiles et concernées par le syndrome de l’iceberg. 

Le refus de la contrariété est un mal contemporain qui peut s’expliquer par la concomitance de facteurs comme le repli communautariste ou la prise de pouvoir de l’enfant-roi. Paul Rey imagine un futur peu lointain où l’intelligence artificielle s’impose comme remède à l’amitié contrariée. Des objets à l’interface vocale doucereuse font figure d’alter ego pour qui les a adoptés. Ils envahissent le marché et transforment peu à peu leurs usagers en victimes de ce qu’il convient médicalement d’appeler le syndrome de l’iceberg. C’est tout l’enjeu du récit haletant et habilement dialogué que livre le jeune auteur : comment endiguer un phénomène qui touche les sociétés et se traduit par des disparitions en masse. La méthode dramaturgique qui consiste à pénétrer un sujet par le biais d’un personnage découvrant une situation en même temps que le lecteur, bien qu’éprouvée, est toujours aussi efficace. Elle permet d’incarner une histoire tout en ménageant des plages de suspense. Grâce à l’appui d’un dessin épuré faisant la part belle aux décors et aux ambiances, cette belle mécanique prend une forme formidablement intéressante et originale, rappelant par certains côtés le livre de Robin Cousin, Le Profil de Jean Melville. À noter aussi un texte de quatrième de couverture inspiré qui renouvelle un peu cet exercice désuet et souvent inutile.