Par une chaude après-midi d'été, deux filles d'environ dix-huit ans se promènent dans les rues de Tokyo. Un étranger, au Japon pour des raisons d'études, les remarqua. Il invite la plus jolie fille à faire une balade à la campagne dans deux jours et la jeune fille accepte. Mais le hasard y a aussi amené un petit industriel de Tokyo. Il entend parler de ce projet et est dédaigné. Il juge inconvenant qu'un illustre universitaire étranger visite la banlieue de Tokyo avec des filles « ordinaires ». Il ressent le devoir de l'accompagner. Il réunira pour l'occasion un groupe de ses illustres connaissances. Le plan de l’étranger est aussi simple que jamais ; mais mille revers surgissent pour l'en empêcher. Chacune des personnes impliquées dans la courte aventure vit à sa manière les préparatifs, les angoisses, les impressions, les joies et les déceptions. Ce petit classique est à la fois un récit humoristique, un conte philosophique et une parodie poétique du roman japonais.

L'honorable partie de campagne de Thomas Raucat (pseudonyme) fait ressentir mille émotions différentes. Parfois elles se chevauchent, d’autres fois elles s’entrelacent, d’autres fois elles s’excluent, jamais on ne reste indifférent. Le récit est humoristique et est clairement une parodie du roman japonais classique (cela se voit déjà au « honorable » inséré dans le titre) et pourtant, pendant qu'on rit, on entend toujours un cri en arrière-plan qui nous fait regretter ce que nous faisons. L'étranger, exclusivement intéressé à coucher avec la jolie fille, fait de son mieux pour esquiver l'homme d'affaires, mais en vain, car les cheminots considèrent qu'il est de leur devoir de l'intercepter et de le transporter avec style jusqu'à l'île d'Enoshima. Pour honorer l'étranger, le chef de gare l'emmène dans une voiture, et comme le pont menant à l'île est uniquement destiné à la circulation des piétons, il s'ensuit un accident au cours duquel les bagages de l'étranger sont perdus et des personnes sont blessées. La jolie fille elle-même se présente, puisqu'elle a après tout accepté 10 yens de l'étranger pour financer le voyage, mais elle vient avec deux amis, dont une mère accompagnée d'un jeune fils. N'étant pas du tout pressés de retrouver l'étranger, ils ratent plus ou moins délibérément le train convenu et passent des heures à s'acheter des bibelots qui coûtent bien plus cher que le voyage lui-même. Lorsqu'ils finissent par arriver à l'hôtel, l'homme d'affaires et la direction unissent leurs forces pour déjouer tout contact entre l'étranger et la jeune fille, non pas pour protéger sa vertu, mais parce qu'elle vient de la mauvaise banlieue et qu'ils ne la considèrent pas à la hauteur de l'étranger. Le propriétaire de l'hôtel est prêt à payer une petite fortune pour qu'une geisha passe du temps dans la chambre de l'étranger afin que les choses se déroulent de manière traditionnelle ! La structure est un énorme point fort : le prologue raconte l'événement « déclencheur » du reste du livre toutes les suivantes ont un point de vue différent raconté par l'un des personnages de l'histoire. L'envie de passer au chapitre suivant pour comprendre qui sera le protagoniste du récit a toujours été formidable. On ne dira rien sur la fin mais, bon, quel cliché ! Raucat donne l'impression que les Japonais dépensent beaucoup de temps et d'argent à se conformer à des rituels dénués de sens, mais même s'il se moquait des Japonais, nous n'avions pas l'impression qu'il les méprisait.