Tromperie
Plate-forme : DVD
Date de sortie : 04 Mai 2022
Résumé | Test Complet | Actualité
Editeur :
Développeur :
Genre :
film
Multijoueur :
Non
Jouable via Internet :
Non
Test par

Nic007


8/10

Réalisé par Arnaud Desplechin.

Le réalisateur Arnaud Desplechin a travaillé sur cette adaptation du roman de Philip Roth pendant une dizaine d'années : une période durant laquelle il a tenté à plusieurs reprises de porter le texte à l'écran mais sans succès alors qu'il avait également l'approbation de l'écrivain lui-même. Il a réussi pendant la pandémie quand quelque chose en lui s'est débloqué et il a écrit le scénario de Tromperie – Deception. Le film est une conversation fascinante, engageante et longue entre un écrivain et sa maîtresse anonyme. Il n'y a pas de règles ni de tabous dans leurs discours, il n'y a que la liberté. Ils ont la conscience naturelle de pouvoir se parler ouvertement, sans filtres, sans préjugés ou limitations qui pourraient affecter la relation qu'ils entretiennent. Une relation qui va bien au-delà du physique, mais devient une confrontation intellectuelle et une analyse profonde qui les sonde et les met à nu face à leurs sentiments. Il couvre les sujets les plus disparates : des sujets d'actualité aux plus profonds et personnels, des problèmes aux insécurités ; ils semblent trouver en l'autre un auditeur fascinant et fasciné, un regard différent à travers lequel réévaluer sa vie. Et ce n'est pas un hasard si le protagoniste masculin est un écrivain travaillant en fait avec des mots. Toutes leurs conversations deviennent un potentiel matériel pour un roman de lui, qui est aussi en fait un témoignage de leur relation intellectuelle. Ce choix pose aussi des questions sur la légitimité de l'action : est-il juste que pour la licence poétique, un écrivain exploite et s'inspire des récits qui lui sont fournis ? Est-il légitime au contraire que vous les modifiiez à votre guise et que vous les fassiez de lui ? Le film présente la figure directe et concise de cet écrivain et l'entoure de diverses femmes - pas seulement son amante - et tire également ses histoires de leurs histoires et de leurs sentiments. Son identité, à la fois d'écrivain et de personnage de son roman – c'est-à-dire que celui-ci porte le même nom que lui – semble se perdre. Philip parcourt cette ligne fine entre l'auditeur parfait et un homme dangereux, presque méchant et sournois qui prend et lui fait les mots des autres. Un jeu de pouvoir et de séduction joué avec des mots plutôt qu'avec des actes.

Philip (Denis Podalydès) est un écrivain américain d'origine juive qui s'est exilé dans la sombre Londres où il tente d'écrire de nouveaux romans. Très souvent dans son étude il rencontre son amante (Léa Seydoux), une trentenaire anglaise dont le mariage traverse une période difficile. Celle-ci souffre beaucoup de sa solitude et sa relation avec Philippe la fait se sentir acceptée, écoutée. L'histoire est divisée en douze chapitres exactement comme s'il s'agissait d'un vrai roman. Trois lignes alternent dont Philip est toujours le protagoniste. En plus de sa maîtresse, il y a une femme tchèque, Rosalie une femme atteinte d'un cancer, et une de ses anciennes élèves. Tous sont liés à l'homme d'une manière ou d'une autre. A la maison il y a ensuite sa femme avec qui il entretient une relation apparemment harmonieuse et dont il ne se soucie pas. Au cours de ses conversations avec son amante, Philip rapporte minutieusement les mots d'elle qu'il envisage de rassembler pour créer un livre. Jour après jour, les deux se confient, réfléchissent et parlent de tout et plus encore. De l'avenir, du rôle qu'ils ont l'un pour l'autre, finissant inévitablement par tomber amoureux. Pour elle, l'écrivain est une sorte d'évasion de cette vie compliquée et solitaire, tandis que pour Philip la femme représente un interlocuteur fascinant à travers lequel explorer les sentiments et avec qui il engage des conversations profondes. Dans ce jeu d'interactions alléchant, les deux doivent découvrir quel sera leur avenir. Comme déjà dit tout est centré sur les mots et à travers eux sur l'acte créateur. L'aspect fascinant, presque magnétique de ce film réside dans la puissance et la profondeur des conversations. Cela montre la force que peuvent avoir les mots : ils réconfortent l'amante, séduisent et intriguent Philippe, rassurent Rosalie qui a peur de mourir. L'acte créatif du roman naît des conversations dont Philip est un grand consommateur. Et c'est justement dans celles-ci peut-être que nous pouvons perdre un peu si nous n'y prêtons pas assez attention. Tout comme parfois certains chapitres semblent s'insérer un peu difficilement dans le récit général, ce qui rend difficile de comprendre comment tout s'enchaîne.  Une ombre plane alors sur tout le film et c'est l'attitude misogyne de l'homme et la considération qu'il a des femmes. Il en parle, les décrit et les juge en partie, assis de sa position privilégiée. Tout cela n'est cependant qu'une ombre dont on voit l'ébauche en une seule scène : un aspect - malheureusement - sur lequel le réalisateur a choisi de ne pas trop s'attarder.

VERDICT

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« Tromperie » est un film réalisé avec beaucoup d'attention, à tous points de vue. De nombreux gros plans abondent dans lesquels les acteurs s'exposent davantage et permettent à leurs personnages de se mettre à nu ; l'amante surtout à travers le visage de Léa Seydoux révèle la solitude, la joie et le désir de se sentir aimé, un désir de tendresse. Le théâtre de toutes ces rencontres est l'atelier de Philip, un lieu presque hors du temps, mais un espace sûr où la liberté prend sa forme la plus pure. Un film donc qui enchante, intrigue et fascine.

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