Réalisé par Alain Guiraudie.
Jérémie, trente et un ans, revient à Saint-Martial pour les funérailles d'un vieil ami, propriétaire de la boulangerie où il travaillait. Il s'arrête quelques jours en ville pour tenir compagnie à Martine, la veuve. Mais entre une disparition mystérieuse, un voisin menaçant et un abbé aux intentions étranges, son court séjour au village prend une tournure inattendue.
Un boulanger d'un village reculé de l'Ardèche, Saint-Martial, meurt après une brève maladie qui ne lui laisse aucune chance, et un jeune étudiant, qui vit maintenant à Toulouse, revient de la ville pour lui rendre hommage, en se rendant chez sa veuve. La femme l'accueille comme un fils, consciente de l'affection du consort pour son élève. Moins aimable mais plus maniaque et instinctif se révèle être le fils du défunt, qui a toujours éprouvé un mélange d'envie et de jalousie à l'égard de l'élève de son père. A partir de ce moment-là, un réseau trouble de mystères, de meurtres et de disparitions se met en place dans le village, donnant lieu à des suspicions, des enquêtes grotesques et des désirs sexuels irrésistibles. Au centre de tout cet enchevêtrement qui tourne autour du jeune boulanger, on trouve le fils inamical et violent du défunt, le vieux curé du village avec lequel ce dernier a une liaison qui se déroule généralement dans les bois. Mais aussi un ivrogne solitaire et massif, vers lequel le jeune boulanger semble irrésistiblement attiré. Et la veuve et mère subtilement espiègle (formidable Catherine Frot) qui accueille chez elle l'ancien élève de son mari, tout émoustillé à l'idée de s'installer au village et de reprendre la boulangerie de son maître. Pour couronner le tout, un policier trop zélé, qui improvise des contrôles au mépris de tout respect de la vie privée d'autrui. Comme on pouvait s'y attendre de la part du réalisateur du scandaleux L'inconnu du lac (2013), mais aussi de l'excellent Viens je t'emmène (2022), Miséricorde s'avère hilarant tant il parvient à démêler malices, secrets et vérités inavouables, ardeurs entre hommes qui s'avèrent être les secrets de Polichinelle, et candeur des sentiments qui justifie des actes et comportements impulsifs que les villageois s'avèrent vivre avec un enthousiasme inconscient mais vital, et surtout d'irrépressibles élans érotiques. L'interprétation du protagoniste, le jeune et ambigu Félix Kysyl, est très bonne, entouré de la toujours rassurante Catherine Frot, veuve au bec de poule, moins naïve qu'il n'y paraît à première vue. Mais la figure la plus forte, pourrait-on dire de tout le cinéma de 2024, est celle du prêtre rusé, capable d'incarner un sens de la justice et de la culpabilité/expiation qui lui est propre. Un personnage étonnant, qui se met littéralement à nu en affichant l'érection la plus sensationnelle depuis des années.
VERDICT
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Dans le style merveilleusement ironique de Guiraudie, une histoire complexe, érotique et morbide se déroule au milieu de mystères et de sentiments cachés, mais vifs et irrésistibles, et possède une structure narrative très proche de celle de l'intrigant « L'inconnu du lac ».