Edgar Whitman est un jeune architecte prometteur. Lors d'une petite remise des prix locale, il est approchée par la belle et délicate Mme Vassilian. Son mari, un riche homme d'affaires new-yorkais, souhaite engager Edgar pour achever son gratte-ciel : l'Empire Falls Building. Lorsque Edgar arrive à l'EFB, il est très impressionné par ce qui a déjà été bâti par ses illustres prédécesseurs architectes dont il est un fervent admirateur. En attendant de pouvoir rencontrer M. Vassilian, il explore et s'imprègne de l'étrange atmosphère quasi -ésotérique qui se dégage de l'hôtel. Rencontrant enfin l'impétueux propriétaire (contrastant furieusement avec sa diaphane épouse), ce dernier demande à Edgar de lui soumettre les plans qui achèveront l'immeuble, pour le rendre unique et notoire. Un immense défi intellectuel et philosophique attend le jeune mais surtout anxieux architecte.

Jean-Christophe Deveney nous plonge au cœur de cet hôtel inachevé, véritable personnalité à part entière du récit. Edgar, tout comme le lecteur, est à la fois fasciné, déboussolé, charmé ou écœuré par l'onirisme et l'oppression que peuvent dégager tour à tour le building. On a l'impression que les personnages s'y croisent plus que s'y rencontrent, chacun vit sa propre expérience de et avec l'hôtel. Le dessin de Tommy Redolfi retranscrit parfaitement ce monde flottant. Est-ce que la lecture récente de nouvelles de Murakami adaptées par l'auteur ont influencé l'analyse ? Nous avons retrouvé dans ce titre une poésie ésotérique (à la limite du surnaturel) qui rappelle le style du maître japonais. Influence croisée ou capillarité créative de Deveney, en tout cas nous y avons ressenti de grandes similitudes. Tout comme cette lecture dégage un sentiment d'étrange, l'objet-livre lui-même renvoie cette impression avec, son ratio atypique (tout en hauteur comme un gratte-ciel), l'alternance de planches chaudes ou froides par l'usage des couleurs, ou bien encore ces pages en papier-calque qui s'adaptent à leurs vis-à-vis pour nous exprimer leur contenu par transparence.