Réalisé par Quentin Dupieux.
Incroyable mais vrai s'ouvre sur l'achat d'une propriété, mais pas n'importe laquelle : comme l'explique un agent immobilier avisé avec la rhétorique typique d'un vendeur avisé à ses acheteurs potentiels, Alain Duval (Alain Chabat) et sa femme Marie (Léa Drucker), tous deux peuvent obtenir une maison unique qui "changera radicalement leur vie". Dans la cave, il y a en fait une trappe menant à ce qui semble être une dimension parallèle, qui duplique parfaitement le monde réel mais, plus incroyable encore, où chaque fois que vous entrez, vous êtes rajeuni de trois jours. Aucune explication apparente. Comme si cela ne suffisait pas, une chose tout aussi improbable arrivera à ceux qui descendront dans la trappe dans les douze prochaines heures. Ce sont les prémisses absurdement fantastiques sur lesquelles repose Incroyable mais vrai. Et, comme à son habitude, Quentin Dupieux réussit à en extraire un ensemble de situations loufoques, à la fois irréelles et comiques. Tout d'abord, le pouvoir "magique" de la maison commence à hanter Marie, d'abord réticente, qui continue inlassablement à descendre dans la trappe. Les protestations de son mari, de plus en plus frustré et, d'autre part, calme à l'idée de l'avancée en âge, ne sont guère utiles. En effet, la femme n'abandonne pas, même lorsque, après avoir "rajeuni" une pomme pourrie, elle se rend compte qu'à l'intérieur, elle a continué à pourrir régulièrement et, qui plus est, qu'elle est pleine de fourmis. La phobie féminine du vieillissement et le désir de "jeunesse éternelle" qui en découle sont plus puissants que tout raisonnement. Puis il y a le deuxième événement incroyable : Lors d'un dîner pour inaugurer la nouvelle maison de la famille Duval, Gérard (Benoît Magimel), le patron d'Alain, déclare aux convives qu'il s'est fait implanter un pénis hi-tech, dont il peut facilement contrôler les performances depuis son téléphone portable. Le vieux coureur de jupons impénitent est en effet convaincu qu'il peut ainsi satisfaire sa jeune compagne, Jeanne (Anaïs Demoustier). Ainsi, Gérard exprime dans sa performance anxieuse un profond malaise qui est ensuite réaffirmé par une série de passe-temps typiques de l'homme d'âge moyen en crise : il change constamment de voiture pour des cabriolets de sport et tire au pistolet au stand de tir pour confirmer sa virilité. De toute évidence, l'obsession de Gérard pour sa propre performance amateur est l'équivalent masculin de l'obsession de Marie pour la déchéance physique. Tous deux incarnent les psychoses et les crises typiques de l'être humain liées au vieillissement inévitable. Tous deux y parviennent en donnant vie à des personnages comiques mais quelque peu pathétiques, rendus vivants par la combinaison de dialogues irrévérencieux et brillants écrits par Quentin Dupieux lui-même et les remarquables performances de Benoît Magimel et Léa Drucker.
Le réalisateur français revient à l'écran avec une œuvre qui propose une réflexion caustique sur la psychose du vieillissement des êtres humains. Ceux qui connaissent le cinéma de Quentin Dupieux sont habitués à son penchant pour les situations absurdes, les dialogues paradoxaux et l'humour noir grinçant. La fantaisie du réalisateur visionnaire français s'étend des tueurs en série dans Rubber (dans lequel il s'agissait même d'un pneu de voiture animé d'une vie propre) et le Daim (dans lequel un cinéaste en herbe obsédé par sa veste en peau de daim se consacrait au meurtre) aux mouches géantes de Mandibules - Deux hommes et une mouche, maintenant toujours le spectateur entre la nécessaire suspension d'incrédulité et l'ahurissement total devant les improbables vicissitudes mises en scène. Il en va de même aujourd'hui avec sa dernière œuvre, Incroyable mais vrai, qui repropose, dans ses habituels tons grotesques et surréalistes, une métaphore cinématographique douce-amère du vieillissement au féminin et au masculin. Comme on peut s'y attendre, une série d'éléments bizarres, la marque de fabrique de Quentin Dupieux, ne peut pas non plus manquer ici. Comme toujours dans les films du réalisateur et musicien français, la verve avec laquelle les personnages sont dépeints est ensuite complétée par une succession de moments grotesques et paradoxaux avec lesquels, dans sa durée d'à peine 74 minutes, Incroyable mais vrai parvient à transmettre une série de séquences mémorables. C'est ainsi que nous avons des accidents grotesques au stand de tir, des chirurgiens japonais experts en "pénis bioniques", des voitures qui s'auto-combustionnent, mais aussi des hospitalisations psychiatriques et même une tombe avec une épitaphe pour commémorer la mort du malheureux chat du voisin. Curieusement, plus d'un de ces moments d'actualité se concentre dans l'interlude musical de la fin du film, où certains des développements naturels, terribles et en même temps tragi-comiques des obsessions de Marie et Gérard sont rassemblés en quelques images, nous conduisant à la conclusion d'Incroyable mais vrai, qui, entre un rire et un autre, laisse un goût amer persistant dans la bouche.
VERDICT
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En bref, Quentin Dupieux s'affirme à nouveau comme un maître de l'humour noir mordant, un cinéaste capable d'élaborer les faiblesses humaines avec une légèreté et une désillusion tranchantes (qui plus est en un temps limité), résumant l'essence même de la vanité qui saisit la plupart des êtres humains face aux années qui passent. Une satire sociale et, en même temps, une enquête anthropologique à valeur universelle.