La Ballade des Sans-Espoirs (Too Late Blues) est un film fascinant de la filmographie de John Cassavetes. La Paramount l'a engagé dans l'idée de faire de lui la réponse américaine aux nombreux auteurs européens du début des années 60. À bien des égards, c'est ce qu'il a fait, et la Paramount a fait preuve d'une incroyable clairvoyance, mais les choses n'ont pas été aussi faciles pour Cassavetes. Too Late Blues raconte l'histoire d'un leader d'un groupe de jazz interprété par Bobby Darin. Il rencontre une jeune chanteuse (Stella Stevens) dont il s'éprend, elle rejoint son groupe mais son ego est trop fort et tout s'écroule pour eux deux. Le thème principal du film est l'idée de se vendre, ce qui, pour un film du début des années 1960, est assez surprenant ; le chef d'orchestre de Bobby Darin se voit constamment demander de compromettre sa musique pour obtenir un succès commercial. Il n'est pas difficile de faire le parallèle avec Cassavetes lui-même.

Cassavetes a rejeté le film comme une expérience commerciale, mais sa personnalité singulière transparaît certainement dans le film. Il y a suffisamment de choix esthétiques intéressants qui s'apparentent à ceux de ses films ultérieurs, plus indépendants d'esprit. Le plan de l'égouttoir vers la fin, par exemple, ne fonctionne pas tout à fait, mais il est beau dans ses défauts. Le film aborde également un sujet qui lui tient à cœur : le commerce contre l'art et le monde du jazz. Les performances sont les points forts du film ; Bobby Darin et Stella Stevens sont tous deux électrisants. Il est dommage que Darin soit mort si jeune, car il aurait pu facilement avoir la même carrière cinématographique que Sinatra, si ce n'est plus. Le reste de la distribution est pour l'essentiel celle de Cassavetes, notamment Seymour Cassel dans le rôle d'un des membres du groupe qui travaille encore dans des films aujourd'hui.