Scénario : Stephen Desberg
Dessin : Attila Futaki
Résumé : Les morts ont besoin qu'on fouille les cauchemars de leur disparition. Jerry Fifth connaît tous les péchés de la Cité des Anges, des prostituées de Sunset Boulevard aux divas de Hollywood, des producteurs sur le retour aux jeunes acteurs sur le chemin de la gloire. On le paie pour trouver des amants, des enfants illégitimes, des assassins, des assassinés. Pourtant, Jerry a un problème. Il entend les voix des fantômes d'étoiles éteintes. Pourquoi a-t-il accès à ces voix, à ces visages en quête de vérités perdues ? Au coeur d'un siècle de cinéma, des salles à deux sous aux machines à rêve des grands studios, Jerry va découvrir les ruines d'une ville dans la ville, des secrets à l'intérieur d'autres secrets.
Ce récit pourrait être celui de Cole Sear (le gamin de Sixième Sens), s’il était devenu détective privé. Dès lors que le lecteur accepte d’adhérer au surnaturel comme composant du quotidien, le récit de Stephen Desberg s’apprécie comme un divertissement mixant originalité et classicisme. Entre Dylan Dog et John Constantine, sans le gore ni l’horreur, les enquêtes confiées par ses clients spéciaux à Jeremy Fifth, ce détective un peu particulier, restent très calmes, (relativement) courtoises, avec à chaque fois une finalité commune : montrer — dénoncer ? rappeler ? — la face sombre et les turpides inavouées qui se tapissent dans l’univers de l'usine à rêves. Stephen Desberg revient sur les zones d’ombre du Hollywood de "l’Age d’Or" (1940-1950) pour soulever ses dessous pas très chics qui ont aussi contribué à sa légende noire : scandales en tout genre (surtout sexuels), rôle ambigu des tycoons de l’industrie durant le McCarthysme (ce bon Walt n’était effectivement pas le seul…), etc. Soucieuses de leur postérité, les âmes errantes ne valent finalement pas mieux que leur enveloppe charnelle. Le rythme de l'album n’a rien à voir avec celui des détectives de l’étrange précités. L’atmosphère de Movie Ghosts est lourde, la progression lente. L’introspection des personnages, vivants ou morts, compte ici bien plus que l’action, quasiment inexistante. Les révélations font alors apparaître une autre vision du "prêt-à-rêver" hollywoodien, beaucoup moins "glamour" concernant des personnages réels et/ou des situations vécues qui ont pourtant participé ou créée la renommée et le rayonnement d’une certaine forme de cinéma de qualité. Le très beau dessin réaliste et assuré d’Attila Futaki confère une sérénité étonnante à cette histoire relativement atypique portée par des couleurs envoutantes.
VERDICT
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Un album assez déconcertant dans sa conception, à la croisée des chemins du fantastique, du surnaturel et de l’introspectif, qui parvient à redonner un certain souffle à ces genres en les combinant.