Une poignée de personnes a réussi à s'échapper des goulags soviétiques et à parcourir quelque 6 000 kilomètres pour retrouver la liberté, en traversant les steppes sans fin de Sibérie, en survivant à l'immensité du désert de Gobi et en grimpant sur le toit du monde dans l'Himalaya pour passer en Inde sous contrôle britannique et assurer leur survie. Sept d'entre eux, en fait. Cette histoire peut sembler familière car en 1950 paraissait « À marche forcée », récit de l’évasion du Goulag Slavomir Rawicz, une fuite de Iakoutsk à Calcutta, dont la véracité du propos est toujours très controversée en 2023. L'auteur du présent livre tente de refaire le même parcours que Rawicz et ses camarades, mais en solitaire et quelque 60 ans plus tard, en utilisant bien sûr des moyens différents (la marche, le cheval et le vélo) et en le faisant de son plein gré, alors que les évadés de l'époque avaient les mains vides et couraient désespérément pour survivre. Peut-être existe-t-il un gène responsable de l'esprit d'aventure, de l'appel que certains ressentent à explorer et à voyager ?

Sylvain Tesson en fait partie, mais pas n'importe comment : il a une vaste culture et une sensibilité qui enrichissent son écriture. Nous avons pu admirer son courage de s'isoler pendant 6 mois dans "Dans les forêts de Sibérie", une entreprise difficile qui n'est pas à la portée de tout le monde, mais le voyage de "L'axe du loup" le surpasse de loin en difficulté. L'homme a une belle folie, une passion qui brûle fort en lui, que l'on peut comprendre mais ne pas partager, c'est la seule façon d'expliquer comment il a pu seulement penser au projet de parcourir des milliers de kilomètres à travers les déserts et les montagnes, affronter des vents féroces et des gelées terribles, une chaleur insupportable et la famine, mais surtout comment il a résisté jusqu'à la fin. Et il écrit aussi de façon formidable, avec des références à des données historiques et à des livres, avec des descriptions qui reflètent sa passion pour la nature et la beauté des lieux, loin de la société polluée par la manie de la consommation et les désirs qui l'ont éloignée de la spiritualité, en empathie avec tout ce qui l'entoure et en ressentant sa sincérité et la beauté de son âme. Les images sont très belles, c'est dépaysant, déroutant et envoutant.