Trieste, août 1938. Rien, en cet été paisible, ne suggère le sort dramatique qui attend Andrea Goldstein, un adolescent magnifique et inquiet; en fait, à peine un mois plus tard, la proclamation des lois raciales de Benito Mussolini le contraindra à l'exil aux États-Unis. Le New York animé et pétillant du début des années 1940 sera pour lui un nouveau foyer, un lieu sûr pour reprendre possession d'une vie normale, ouverte à mille possibilités. Mais quand l'écho des horreurs de la guerre en Europe deviendra assourdissant, Andrea - maintenant Andrew, un citoyen américain - fera un choix difficile et courageux. En effet Andi a ensuite choisi de s'enrôler et de retourner combattre en Italie - le pays qui ne voulait plus de lui et le considérait comme un danger - pour la libérer.

Rhapsodie en bleu ("Rapsodia in blu") d'Andrea Serio, publié en Italie aux éditions Oblomov est librement inspirée du roman de Silvia Cuttin "Ci sarebbe bastato" (Epika Edizioni, 2011)." Ce dessinateur italien a maintenant atteint une telle personnalité et une telle reconnaissance qu'il en fait une catégorie à part, renforçant son identité artistique. Cet album raconte une histoire vraie, la jeunesse d'Andrea Goldstein, tragiquement brisée par l'arrivée des lois raciales qui le conduiront à se réfugier à New York, niant (par colère et déception) son pays natal, coupable d'avoir choisi d'être fasciste. Qu'est-ce qu'une rhapsodie ? Elle ne suit pas un schéma fixe, mais se présente comme un ensemble de repères mélodiques, également très différents les uns des autres en termes de rythme et d'harmonie, ce qui donne à la composition des sonorités presque improvisées.  Dans cet ouvrage, l'histoire est une rhapsodie, maintenue par le bleu de ces décors pastels, qui raconte les histoires éparses de trois cousins de Trieste d'origine transylvanienne. Les années sont celles de la guerre, des déportations, du régime fasciste. Les événements racontés sont fragmentés, mais maintenus ensemble par l'empathie que le lecteur crée avec l'histoire. L'esthétique des panneaux est enveloppante et envoûtante, la beauté des dessins contraste avec l'amertume de l'histoire. Dans le livre de Silvia Cuttin, il y a l'histoire d'Andi, celle de son cousin Martino - l'un des rares juifs italiens à avoir survécu aux camps d'extermination nazis -, de Cati et de bien d'autres vies marquées à jamais et presque toujours détruites par le fascisme, le nazisme, par la décision de certains peuples de proclamer leur supériorité inexistante sur les personnes de religion juive. En attendant, il en résulte une bande dessinée émouvante, très bien racontée et dessinée de manière extraordinaire par Andrea Serio.