Variations étranges autour du non-amour. Cet album reste (volontairement) l’exacte antithèse de son titre, tant l’idée centrale ne fait que tourner autour de la notion d’amour, de l’idée de l’amour, de la perception que chacun s’en fait. Discuté, disséqué, mis en perspective, démontré, démonté, Zidrou bouscule le concept d'amour en ne l’abordant jamais frontalement. Sur les traces mélancoliques d’Alberto Moravia (1907-1990), dont Zidrou reprend à sa façon le concept des magnifiques Nouvelles Romaines (1954), il y applique toutefois une forme de brutalité clinique qui contraste avec les descriptions et les situations pittoresques, qui font la richesse du recueil de nouvelles de Moravia. Dans les deux ouvrages, les fins tombent souvent à plat, comme un constat amer, triste, désenchanté et pourtant rempli de tendresse. La narration fluide de Zidrou sait emporter vers un torrent de promesses, systématiquement conclues d’une manière désabusée, solitaire, quasi désespérée. Comme s’il cherchait à expulser à chaque récit la facette d’une mauvaise expérience amoureuse.

À l’image d’un joaillier qui polirait une pierre brute, couche après couche, pour lui donner son plus bel éclat, Zidrou enlève à chacune des histoires qu’il raconte, une strate : beauté, espoir, émotion, pour ne conserver (la plupart du temps) que les aspects les plus détestables, obligatoires ou forcés, de l’amour en tant qu’émotion vitale pour le bon fonctionnement d'un être humain. Par moment, cet album a même quelque chose de crépusculaire, comme le testament sans concession d’un ancien amoureux trop éconduit — ou bien qui a lui-même beaucoup donné jusqu’à une forme de cynisme, avec ou sans rancune. Le trait faussement simple de David Merveille évolue différemment à chaque récit dans des couleurs chaudes ou froides et des formes géométriques ou rondes en fonction des atmosphères recherchées par la nouvelle.