Le 1er mai 1891, quelques années après le massacre de Haymarket à Chicago, 9 personnes, dont 2 enfants, trouvent la mort à Fourmies, petite ville industrielle du Nord. Ce devait être une fête ouvrière pour demander le passage aux 8 heures de travail par jour. Mais tout a dérapé et l’armée a tiré sur les ouvriers, des pays, des amis. Les affiches reproduites en pages de garde auraient dû alerter la population. D’un côté, l’appel à la fête des syndicats, de l’autre le refus du patronat d’une manifestation jugée criminelle. Mais de là à imaginer un massacre…

Il est des événements qui marquent les hommes. Originaire de Fourmies et issu d’une famille d’ouvriers, Inker connaît bien cette place ensanglantée. Marqué par cet événement, il retrace dans son nouvel album cette funeste journée depuis l’aube jusqu’à la fusillade à partir de petites tranches de vie d’ouvriers, de soldats ou de bourgeois. Et à travers elles, il aborde la lutte des classes, les idées révolutionnaires, la haine du boche, jusqu’au nouveau fusil Lebel, des sujets qui feront l’Histoire avec la guerre 14-18, la révolution de 17, les grandes luttes du XXe siècle… Comme toujours avec Inker, le trait s’adapte au thème. Rond et léché dans « Un travail comme un autre », il est ici plus simple, plus caricatural et plus « hachuré », en ligne avec les illustrations du début XXe. Sans oublier le rouge qui remplace l’orange de l’album précédent, le rouge de la révolte et du sang versé. Malgré une fin trop rapide, Inker rend un vibrant hommage à ceux qui sont tombés sous les balles des soldats parce qu’ils luttaient pour leurs droits, un hommage fort et personnel qui fait écho à son enfance et à sa famille dont un membre était peut-être dans la foule devant les soldats…